Au cœur de la société japonaise actuelle, un phénomène intrigue chercheurs et observateurs : la désaffection des jeunes pour le simple geste de s’embrasser. Dans un monde où les contacts physiques revêtent une importance particulière, cette tendance soulève de nombreuses questions sur les habitudes sociales et les perspectives culturelles des jeunes générations japonaises.
Un recul du premier baiser au Japon
Selon une enquête menée par l’Association japonaise pour l’éducation sexuelle, les jeunes Japonais sont de moins en moins nombreux à avoir échangé leur premier baiser. Cette tendance, qui s’observe depuis 2005, connaît des chiffres record en 2023-2024, où seulement 22,8% des garçons et 27,5% des filles affirment avoir embrassé quelqu’un. Alors qu’un quart seulement des lycéens déclarent cette expérience, ce chiffre a baissé continuellement depuis les années 1980.
Facteurs socioculturels et impact de la pandémie
Yusuke Hayashi, sociologue, attribue ce phénomène à plusieurs causes. La pandémie de Covid-19 a sans doute joué un rôle clé. Avec la fermeture des écoles et les mesures restrictives imposées, les opportunités pour interagir physiquement ont drastiquement diminué. Durant cette période, l’accent était mis sur la distanciation sociale, décourageant ainsi tout contact rapproché.
Cependant, ce changement ne date pas uniquement de la période pandémique. Depuis longtemps déjà, les jeunes Japonais semblent moins enclins à s’engager dans des relations physiques. Les « herbivores », une terminologie inventée par Maki Fukasawa, décrit ces individus qui voient le contact physique et la sexualité comme des efforts superflus, reflétant une tendance à privilégier d’autres formes de gratification personnelle.
Influence des médias et nouvelles formes de sexualité
Malgré ce désengagement des interactions physiques traditionnelles, les jeunes Japonais ne délaissent pas la sexualité pour autant. Au contraire, l’enquête révèle que la masturbation est en hausse, atteignant des niveaux records parmi les collégiens et lycéens. Cette pratique est souvent encouragée par une exposition accrue aux contenus médiatiques tels que les mangas et autres supports visuels, susceptibles de nourrir l’imaginaire sensuel de la jeunesse sans nécessiter de contact physique.
Cette tendance pourrait indiquer une transformation dans la manière dont la sexualité est explorée et exprimée, se tournant davantage vers une consommation individuelle et virtuelle que vers des interactions interpersonnelles directes.
Initiatives pour réengager la jeunesse
Face à cette évolution, le gouvernement japonais et certains acteurs privés cherchent à réengager la jeunesse dans le domaine des relations physiques. Des campagnes publiques visent à souligner l’importance des contacts humains et à présenter la sexualité de manière positive et saine. De même, des entreprises comme Tenga innovent avec des produits qui encouragent la familiarité physique, notamment la gamme Caressa et d’autres innovations destinées à alléger les barrières psychologiques et sociales associés aux contacts intimes.
Un regard vers l’avenir
Le Japon semble se diriger vers un avenir où la notion de sexualité est redéfinie, équilibrant entre l’intimité médiée par la technologie et les efforts constants pour ramener les interactions physiques. Ce sera une étape cruciale pour comprendre comment la société japonaise évoluera, tant du point de vue des relations personnelles que de l’identité culturelle globale. Les implications à long terme de ce phénomène restent à explorer, impliquant une refonte possible des normes sociales et des attentes générationnelles.
En conclusion, le recul de l’importance du baiser chez les jeunes Japonais pourrait bien être le signal avant-coureur de changements plus larges au sein de la culture japonaise, où la définition de l’intimité et des relations continue de se redessiner sous l’influence de nombreux facteurs contemporains, allant des crises sanitaires mondiales aux avancées technologiques.