Le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) est depuis plusieurs décennies au cœur de nombreux débats juridiques et sociaux. Initialement introduit dans les années 1980 par le psychiatre américain Richard Gardner, ce pseudo-syndrome a été utilisé comme arme dans les contentieux familiaux, notamment pour discréditer les accusations de violences faites aux enfants.
Dans de nombreux cas, ce pseudo-syndrome a servi à retourner la responsabilité de l’abus présumé sur le parent protecteur, souvent la mère. En invoquant le SAP, des pères accusés de violences ont pu contester les allégations en accusant leurs anciennes partenaires d’avoir « aliéné » l’enfant pour lui faire rejeter son autre parent.
Une stratégie pour discréditer les mères
Pour des femmes comme Sandra, la lutte est interminable. Accusée de « folie » et d’avoir manipulé son fils contre son père, elle s’est vue retirer la garde de son enfant. La justice, en s’appuyant sur le SAP, argua que l’enfant avait été influencé par sa mère, niant ainsi les accusations initiales d’abus.
Sandra n’est malheureusement pas un cas isolé. Partout dans le monde, des mères sont confrontées à des accusations similaires, devant souvent défendre leur intégrité et celle de leur enfant sans réel soutien juridique. Ce phénomène est amplifié par des biais sexistes dans certains systèmes judiciaires qui tendent à minimiser les voix et les plaintes des femmes.
Déconsidération scientifique et sociale
Fort heureusement, l’efficacité du SAP comme argument juridique commence à s’effriter. À l’échelle mondiale, de plus en plus de scientifiques et d’organisations internationales le qualifient de non-scientifique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Association américaine de psychologie le rejettent désormais et refusent son inclusion dans leurs manuels diagnostics.
Le Parlement européen, ainsi que des organisations telles que l’ONU et le Mécanisme de Suivi de la Convention de Belém do Para, ont dénoncé ce concept comme une forme de violence structurelle et systémique contre les femmes.
Certaines législations nationales commencent à suivre. En Colombie, par exemple, une avancée significative a été réalisée. En novembre 2023, une décision historique de la Cour constitutionnelle a interdit l’utilisation du SAP en tant qu’argument juridique, soulignant son manque de fondement scientifique. Cette décision a permis à Sandra de regagner la garde de son fils, renforçant ainsi l’espoir pour de nombreuses autres femmes dans des situations similaires.
La persistance des préjugés sexistes
Malgré ces avancées, les préjugés persistants continuent de hanter les tribunaux. Des mères rapportent des méthodes abusives et des menaces voilées lorsqu’elles cherchent à protéger leurs enfants d’abus présumés. Cette peur d’être criminalisée en tant que « mauvaise mère » empêche beaucoup de poursuivre leur combat pour la justice.
Les médias ont joué un rôle crucial en révélant des allégations de corruption et de favoritisme qui entourent certains procès de garde. Il a été noté que le SAP faisait partie des stratégies de manipulation utilisées pour influencer indûment les verdicts en faveur de certains hommes avec des moyens financiers importants.
Un appel à la révision des procédures judiciaires
Il est impératif que les systèmes judiciaires adoptent une approche plus scientifique et équitable en matière de litiges familiaux. Les accusations d’aliénation parentale ne doivent pas balayer les témoignages d’abus sans une enquête sérieuse et impartiale. Les décisions judiciaires devraient être prises en se basant sur des preuves solides, plutôt que sur des stéréotypes ou des concepts discrédités.
L’éducation des professionnels du droit et des juges sur les réalités actuelles et les développements modernes en matière de psychologie et de protection de l’enfance est essentielle pour éviter les erreurs du passé. Le respect des droits de l’enfant et la reconnaissance des voix des victimes doivent toujours primer dans les considérations judiciaires.
Vers un changement culturel et juridique
La reconnaissance par les tribunaux de l’existence et des implications des violences sexuelles et intrafamiliales est cruciale. Il faut qu’un changement culturel s’opère pour mettre fin à la stigmatisation des mères protectrices. Leur combat est légitime et leur voix doit être entendue.
En conclusion, l’abandon progressif du SAP dans les tribunaux pourrait signifier une victoire pour la justice et les droits des femmes à travers le monde. Il est essentiel que chaque allégation fasse l’objet d’une enquête scrupuleuse, afin de garantir que la vérité, et non la perception, dicte les décisions prises concernant l’avenir des enfants.