Le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) : une notion controversée, initialement formulée par le psychiatre américain Richard Gardner dans les années 1980, est à l’origine de nombreuses batailles judiciaires autour de la garde d’enfants. Ce concept prétend qu’un parent peut manipuler un enfant pour qu’il rejette l’autre parent, souvent utilisé pour discréditer les mères qui dénoncent des abus.
Malgré son rejet par des organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Association américaine de psychologie, qui le considèrent comme pseudo-scientifique, le SAP continue à influencer les décisions judiciaires dans plusieurs pays. En Colombie, par exemple, une décision récente de la Cour constitutionnelle a conduit à l’interdiction de son recours en tant qu’argument légal, bien que la notion de manipulation au sein du couple soit toujours prise en compte.
Un combat pour faire entendre la voix des enfants
Sandra, sous un pseudonyme pour protéger son identité, illustre bien l’ampleur de ce phénomène. Après avoir accusé le père de son enfant d’abus sexuels, elle s’est retrouvée dans une position précaire. Au lieu de trouver un soutien des autorités, elle a été stigmatisée, traitée de « folle » et accusée d’avoir aliéné son enfant contre son ex-conjoint grâce au SAP. Ce phénomène, qu’elle et d’autres dénoncent comme un moyen de « faire taire l’enfant », a un impact dévastateur sur les familles.
Sandra a perdu la garde de son enfant en 2022, une décision motivée par des accusations de manipulation visant à nuire à la relation père-enfant. Cependant, grâce à la récente décision colombienne, cela lui a permis de récupérer sa garde, un espoir pour de nombreuses mères dans des situations similaires.
La désavowation du syndrome par les instances internationales
L’ONU et le Mécanisme de Suivi de la Convention de Belém do Para (Mesecvi) décrivent le SAP comme une forme de violence contre les femmes. Malgré cette désapprobation ferme, la persistance de son application devant les tribunaux dans des pays comme l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, l’Espagne, et la France montre l’ampleur des défis à surmonter.
Les institutions internationales, y compris le Parlement européen et l’Organisation des États américains, soulignent l’absence de toute base scientifique pour le SAP, et appellent à la prudence concernant son utilisation dans les tribunaux. Pourtant, de nombreux juristes continuent de s’appuyer sur le SAP comme argument légitime, ce qui met en lumière un vaste fossé entre la législation et la science.
Conséquences pour les familles
Les implications du SAP ne se limitent pas aux cercles académiques ou judiciaires, elles touchent directement les relations familiales. En pratique, le SAP est souvent utilisé pour contester les voix d’enfants potentiellement victimes, réduisant leurs témoignages à des instruments de manœuvre parentale. Cette minimisation des témoignages des victimes potentielles peut entraîner des situations dangereuses, où les véritables cas d’abus passent inaperçus.
En revanche, les partisans du SAP, comme l’avocate colombienne Ester Molinares, continuent de défendre son importance, argumentant que son absence laisse les juges sans outil pour comprendre les conflits au sein de familles désunies. Cette division quant à la légitimité du syndrome reflète une lutte plus large sur la manière dont sont gérées les accusations d’abus au sein des litiges liés à la famille.
Vers une justice plus équitable
L’interdiction du SAP en Colombie constitue un précédent significatif. La décision d’inclure ce syndrome comme argument juridique en dépit de son invalidation scientifique a été vivement critiquée, et le cas de Sandra n’est que la pointe de l’iceberg. La Cour constitutionnelle a reconnu que le SAP pourrait masquer les antécédents de violence intrafamiliale visibles, soulignant la nécessité de se concentrer davantage sur les preuves réelles d’abus plutôt que sur des théories discréditées.
Cette décision ouvre la voie à une reconnaissance plus grande des droits des mères et des enfants, incitant les autres pays à réévaluer leurs pratiques judiciaires. Elle met aussi en lumière les biais culturels et structurels présents dans les systèmes judiciaires, qui peuvent indirectement soutenir des formes de pouvoir patriarcal néfaste.
Des témoignages de résistance
Des femmes comme Camila, qui a également témoigné sous couvert d’anonymat, continuent de se battre contre l’utilisation du SAP. Menacée de perdre la garde de ses filles après avoir accusé le père d’un comportement inapproprié, son témoignage expose l’angoisse persistante de nombreuses mères face à des pratiques judiciaires qui semblent favoriser des décideurs influents et en situation de pouvoir.
Ces récits qui émergent, soutenus par des organisations de défense des droits familiaux, amplifient les appels à la révision des procédures actuelles garantissant la protection des enfants et des parents accusés injustement. Ces histoires militent pour une justice qui priorise la sécurité des enfants et valorise les revendications légitimes des mères.
Ainsi, tandis que le débat autour du SAP continue, il devient de plus en plus clair que les réformes doivent aller au-delà de la disqualification du syndrome : elles doivent viser à créer un environnement juridique qui reflète et protège réellement les intérêts des plus vulnérables.